latin au collège

L'HISTOIRE DE ROME PAR TITE-LIVE

texte 1 : La fondation de Rome et les deux versions de la mort de Rémus, I, 7

p. 10 du manuel

Ne pouvant se départager par l'âge, les deux jumeaux Romulus et Rémus, décident de s'en remettre à l'avis des dieux, les augures (vol des oiseaux).

Le premier augure fut, dit-on, pour Rémus : c'étaient six vautours; il venait de l'annoncer, lorsque Romulus en vit le double, et chacun fut salué roi par les siens; les uns tiraient leur droit de la priorité, les autres du nombre des oiseaux (2) Une querelle s'ensuivit, que leur colère fit dégénérer en combat sanglant; frappé dans la mêlée, Rémus tomba mort. Suivant la tradition la plus répandue, Rémus, par dérision, avait franchi d'un saut les nouveaux remparts élevés par son frère, et Romulus, transporté de fureur, le tua en s'écriant : "Ainsi périsse quiconque franchira mes murailles." (3) Romulus, resté seul maître, la ville nouvelle prit le nom de son fondateur. Le mont Palatin, sur lequel il avait été élevé, fut le premier endroit qu'il eut soin de fortifier.

Priori Remo augurium uenisse fertur, sex uultures,

iamque nuntiato augurio cum duplex numerus Romulo se ostendisset,

utrumque regem sua multitudo consalutauerat:

tempore illi praecepto, at hi numero auium regnum trahebant. (

1,7,2) Inde cum altercatione congressi certamine irarum ad caedem uertuntur;

ibi in turba ictus Remus cecidit.

Vulgatior fama est ludibrio fratris Remum nouos transiluisse muros;

inde ab irato Romulo, cum uerbis quoque increpitans adiecisset

"sic deinde, quicumque alius transiliet moenia mea", interfectum.

(1,7,3) Ita solus potitus (est) imperio Romulus;

condita urbs conditoris nomine appellata (est).

Palatium primum, in quo ipse erat educatus, muniit.

 

FORMES A RETENIR :

  • Verbes impersonnels de parole + infinitif

                 On raconte que Romulus est le premier roi : Romulum primum regem (esse) fertur

                 Il est notoire que Romulus aime/a aimé son frère : fama est Romulum fratrem amare/amavisse.

  • Comme en français, il y a deux infinitifs : présent (radical infectum) ; passé (radical parfait)

                  amare : aimer ; amavisse : avoir aimé (1er groupe)

                  monere : avertir ; monuisse : avoir averti ; (2e groupe)

                  legere : lire ; legisse : avoir lu  (3e groupe)

                  capere : prendre ; cepisse : avoir pris (groupe mixte);

                  audire : entendre ; audivisse : avoir entendu (4e groupe)

 

 

texte 2 : Horace remporte la victoire contre les trois Curiaces survivants mais blessés, I, 25

 

p. 19 du manuel.

Sous le troisième roi, Tullius Hostilius, il y eut une guerre entre les Albains et les Romains. Les rois des deux villes décident de faire combattre trois guerriers seulement des deux camps au lieu de risquer la mort de beaucoup d'hommes. Les Horaces sont les Romains, les Curiaces les Albains : les deux Horaces ont été tués et les trois Curiaces sont seulement blessés. Le survivant se cache pour les affronter un à un. Il vient de tuer le premier.

 

Tunc clamore, qualis ex insperato fauentium solet,

Alors dans une clameur, telle que celle qui d'ordinaire éclate après un succès inattendu, 

Romani adiuuant militem suum;

les Romains encouragent leur soldat ;

et ille defungi proelio festinat

et lui se hâte de terminer le combat.

VOCABULAIRE

tunc, adv. : alors

clamor, oris, m. : clameur, cri

qualis, e : tel que

ex, prép. : + Abl. : hors de, de

insperatus, a, um : inattendu

fauens, -tis, m/f. : être favorable, être supporter

soleo, es, ere, solitus sum : avoir l'habitude de (solitus, a, um : habituel, ordinaire)

adiuuo, as, are, iuui, iutum : aider, seconder

miles, itis, m. : soldat

 

Prius itaque, quam alter, qui nec procul aberat, consequi posset,

Et c'est ainsi, avant que l'autre (Curiace), qui n'était pas loin, puisse le rejoindre,

et alterum Curiatium conficit;

qu'il acheva le dernier Curiace;

(1,25,11) iamque aequato Marte singuli supererant,

Désormais ils se trouvaient un contre un dans un combat à égalité,

sed nec spe nec uiribus pares:

mais ils n'étaient pas les mêmes pour l'espoir et les forces :

alterum intactum ferro corpus et geminata uictoria ferocem in certamen tertium dabat;

l'un avait le corps préservé du glaive et sous l'effet d'une victoire répétée deux fois, il engageait un féroce troisième combat;

alter fessum uulnere, fessum cursu trahens corpus

l'autre, traînant son corps épuisé par sa blessure, épuisé par la course,

uictusque fratrum ante se strage uictori obicitur hosti.

c'est vaincu d'avance par la mort de ses frères qu'il s'offrit à un ennemi victorieux.

(1,25,12) Nec illud proelium fuit.

Aussi n'y eut-il nul combat.

Romanus exultans "Duos" inquit "fratrum Manibus dedi;

Le Romain, exultant : "j'ai donné aux Mânes de mes deux frères, deux victimes"

tertium causae belli huiusce, ut Romanus Albano imperet, dabo".

j'en donnerai une troisième pour la cause de cette guerre-ci, c'est-à-dire pour que le Romain impose son pouvoir à l'Albain".

Male sustinenti arma gladium superne iugulo defigit;

Comme il (Curiace) ne pouvait plus porter ses armes, il enfonça son glaive de haut en bas dans sa gorge;

iacentem spoliat.

il depouilla son corps gisant.

VOCABULAIRE

prius, inv. : avant, auparavant ; ... quam : avant que

ita, adv. : ainsi, de cette manière ; ita... ut, ainsi que

itaque, conj. : c'est pourquoi, aussi, par conséquent

alter, era, erum : autre de deux

alter, era, erum : l'autre (de deux)

nec, adv. : et...ne...pas

procul, adv. : loin, au loin, de loin

absum, es, esse, afui : être absent

consequor, eris, i, cutus sum : 1. venir après, suivre 2. poursuivre, rechercher 3. atteindre, obtenir, acquérir

possum, potes, posse, potui : pouvoir

alter, era, erum : autre de deux

alter, era, erum : l'autre (de deux)

conficio, is, ere, feci, fectum : 1. faire (intégralement) 2. réaliser 3. réduire 4. venir à bout de 5. accabler, épuiser

iam, adv. : déjà, à l'instant

aequo, as, are : égaliser, aplanir, égaler

Mars, Martis, m. : Mars, le combat

singuli, ae, a : pl. chacun en particulier, chacun un

supersum, es, esse, fui : demeurer, survivre

sed, conj. : mais

spes, ei, f. : espoir

uires, ium, f. : force(s)

par, aris : semblable, pareil par, paris, m. : couple, paire

intactus, a, um : non touché, intact

ferrum, i, n. : fer, outil ou arme de fer

corpus, oris, n. : corps

gemino, as, are : doubler, redoubler

uictoria, ae, f. : victoire

ferox, ocis : sauvage, féroce

certamen, inis, n. : le combat, la lutte, le conflit

tertius, a, um : troisième

do, das, dare, dedi, datum : donner

fessus, a, um : fatigué

uulnus, eris, n. : blessure

cursus, us, m. : la course, le parcours, le trajet

traho, is, ere, traxi, tractum : 1. tirer 2. solliciter, attirer 3. traîner 4. extraire 5. allonger, prolonger 6. différer, retarder

uinco, is, ere, uici, uictum : vaincre

frater, tris, m. : frère

strages, is, f. : massacre, ruine

obicio, is, ere, ieci, iectum : jeter devant, placer devant

ille, illa, illud : ce, cette, celui-ci, celle-ci, il, elle

proelium, ii, n. : combat

exulto, as, are : sauter, bondir, être dans les transports de joie

duo, ae, o : deux

inquit, vb. inv. : dit-il, dit-elle

manes, ium, m. : mânes, esprits des morts

do, das, dare, dedi, datum : donner

huiusce, = huius (génitif de hic, haec, hoc)

impero, as, are : commander, ordonner, enjoindre

do, das, dare, dedi, datum : donner

male, adv. : mal, vilainement

sustineo, es, ere, tinui, tentum : soutenir, supporter

gladius, i, m. : glaive

superne, adv. : d'en haut, de dessus

iugulum, i, n. : la gorge, la clavicule

defigo, is, ere, defixi, defixum : planter, clouer

iaceo, es, ere, cui, citurus : être étendu, s'étendre

spolio, as, are : piller, dépouille

 

Alors un cri, tel qu'en arrache une joie inespérée, part du milieu de l'armée romaine; le guerrier s'anime à ce cri, il précipite le combat, (10) et, sans donner au troisième Curiace le temps d'approcher de lui, il achève le second. (11) Ils restaient deux seulement, égaux par les chances du combat, mais non par la confiance ni par les forces. L'un, sans blessure et fier d'une double victoire, marche avec assurance à un troisième combat : l'autre, épuisé par sa blessure, épuisé par sa course, se traînant à peine, et vaincu d'avance par la mort de ses frères, tend la gorge au glaive du vainqueur. Ce ne fut pas même un combat. (12) Transporté de joie, le Romain s'écrie : "Je viens d'en immoler deux aux mânes de mes frères : celui-ci, c'est à la cause de cette guerre, c'est afin que Rome commande aux Albains que je le sacrifie." Curiace soutenait à peine ses armes. Horace lui plonge son épée dans la gorge, le renverse et le dépouille.

 

texte 3 : l'épisode des decemvirs jusqu'à l'infanticide de Decimus Verginius, Tite-live III, 33 et ss. et De la République, Cicéron II, 27, p 25 "la Plèbe se rebiffe".

(III, 33) Entrée en charge des décemvirs (-451)

(1) L'an trois cent deux de la fondation de Rome, la forme de la constitution se trouve de nouveau changée, et l'autorité passe des consuls aux décemvirs, comme auparavant elle avait passé des rois aux consuls. (2) Ce changement eut moins d'éclat, parce qu'il eut peu de durée. D'heureux commencements furent suivis de trop d'abus, qui hâtèrent la chute de cette institution, et on en revint à deux magistrats, auxquels on rendit le titre et l'autorité de consuls. (3) Les décemvirs furent Appius Claudius, Titus Génucius, Publius Sestius, Lucius Véturius, Gaius Julius, Aulus Manlius, Publius Sulpicius, Publius Curiatius, Titus Romilius, Spurius Postumius. (4) Claudius et Génucius, qui avaient été désignés consuls pour cette année, obtinrent, en échange de cette dignité, la dignité du décemvirat, et cet honneur fut accordé à Sestius, l'un des consuls de l'année précédente, pour avoir, malgré l'opposition de son collègue, soumis celle affaire au sénat. (5) Après eux, on nomma les trois envoyés qui étaient allés à Athènes; on ne voulait pas qu'une mission si lointaine restât sans récompense; on pensait, d'ailleurs, que la connaissance qu'ils avaient acquise des lois étrangères serait utile à l'établissement d'un nouveau droit. (6) Les autres servirent à compléter le nombre. C'est, dit-on, sur des hommes appesantis par l'âge que se portèrent les derniers suffrages, dans l'idée qu'ils s'opposeraient avec moins de vivacité aux décisions de leurs collègues.

Questions

1/ Que nous apprennent les commentaires de de Tite-Live au début du texte sur la création des Décemvirs?

2/ Dans le paragraphe 5, pourquoi les Romains ambassadeurs à Athènes ont-ils été choisis parmi les Decemvirs?

 

(III, 34) Publication des Dix Tables

(1)Tandis que cette justice, incorruptible comme celle des dieux, se rendait également aux grands et aux petits, les décemvirs ne négligeaient pas la rédaction des lois. Pour satisfaire une attente qui tenait toute la nation en suspens, ils les présentèrent enfin sur dix tables, et convoquèrent l'assemblée du peuple. (2) "Pour le bonheur, pour la gloire, pour la prospérité de la république, pour la félicité des citoyens et celle de leurs enfants, ils les engageaient à s'y rendre et à lire les lois qu'on leur proposait. (3) Quant à eux, autant que dix têtes humaines en étaient capables, ils avaient établi entre les droits de tous, grands et petits, une exacte balance; mais on pouvait attendre davantage du concours de tous les esprits et de leurs observations réunies. (4) Ils devaient en particulier, et dans leur sagesse, peser chaque chose, la discuter ensuite, et déclarer sur chaque point ce qu'il y avait d'additions ou de suppressions à faire. (5) Ainsi, le peuple romain aurait des lois qu'il pourrait se flatter non seulement d'avoir approuvées, mais encore d'avoir proposées lui-même."

(6) Après que chacun des chapitres présentés eut subi les corrections indiquées par l'opinion générale, et jugées nécessaires, les comices par centuries adoptent les lois des dix tables. De nos jours, dans cet amas énorme de lois entassées les unes sur les autres, elles sont encore le principe du droit public et privé.

(7) Le bruit se répandit alors qu'il existait encore deux tables, dont la réunion aux autres compléterait en quelque sorte le corps du droit romain. Cette attente, à l'approche des comices, fit désirer qu'on créât de nouveau des décemvirs. (8) Le peuple lui-même, outre que le nom de consul ne lui était pas moins odieux que celui de roi, ne regrettait pas l'assistance tribunitienne; car les décemvirs souffraient qu'on appelât entre eux de leurs décisions. 

(III, 36) Installation de la terreur à Rome

(1) Dès ce moment Appius jeta le masque; il s'abandonna bientôt à son caractère, et réussit à façonner ses nouveaux collègues à ses manières avant même qu'ils fussent entrés en charge. (2) Chaque jour ils se rassemblaient sans témoins; après avoir arrêté de concert les plans ambitieux que chacun préparait en secret, ils cessèrent de déguiser leur orgueil. Difficiles à aborder, répondant à peine, ils atteignirent ainsi les ides de mai, (3) époque où les magistrats entraient alors en charge.

Dès le début, le premier jour de leur magistrature se signala par un appareil de terreur. Les premiers décemvirs avaient établi qu'un seul aurait les douze faisceaux, et cette marque de souveraineté royale passait à tour de rôle à chacun d'entre eux. Ceux-ci parurent tous ensemble, précédés chacun de douze faisceaux. (4) Cent vingt licteurs remplissaient le forum; ils portaient des haches attachées aux faisceaux, et le motif sur lequel s'appuyaient les décemvirs, pour ne point supprimer la hache, c'est qu'ils étaient revêtus d'un pouvoir sans appel. (5) C'étaient dix rois pour l'appareil; et la terreur se propageait à la fois parmi les moindres citoyens et les patriciens les plus illustres, par l'idée qu'on cherchait ainsi à provoquer, à commencer le massacre. Qu'une voix favorable à la liberté vînt à s'élever dans le sénat ou devant le peuple, aussitôt les verges et les haches la réduiraient au silence et rendraient les autres muettes d'effroi.

(III, 44) L'arrestation de Verginia

(1) La ville fut ensuite témoin d'un forfait enfanté par la débauche, et non moins terrible dans ses suites que le déshonneur et le meurtre de Lucrèce, auquel les Tarquins durent leur expulsion de la ville et du trône; comme si les décemvirs étaient destinés à finir ainsi que les rois et à perdre leur puissance par les mêmes causes.

(2) Appius Claudius s'enflamma d'un amour criminel pour une jeune plébéienne. La père de cette fille, Lucius Verginius, un des premiers centurions à l'armée de l'Algide, était l'exemple des citoyens, l'exemple des soldats. Sa femme avait vécu comme lui, et ses enfants étaient élevés dans les mêmes principes. (3) Il avait promis sa fille à Lucius Icilius, ancien tribun, homme passionné, et qui plus d'une fois avait fait preuve de courage pour la cause du peuple. (4) Épris d'amour pour cette jeune fille, alors dans tout l'éclat de la jeunesse et de la beauté, Appius entreprit de la séduire par les présents et les promesses; mais voyant que la pudeur lui interdisait tout accès, il eut recours aux voies cruelles et odieuses de la violence. (5) Marcus Claudius, son client, fut chargé de réclamer la jeune fille comme son esclave, sans écouter les demandes de liberté provisoire. L'absence du père semblait favorable à cette criminelle tentative.

(6) Virginie se rendait au forum, où se tenaient les écoles des lettres. L'attidé du décemvir, le ministre de sa passion, met sur elle les mains, et s'écrie que fille de son esclave, esclave elle-même, elle doit le suivre; si elle résiste, il l'entraînera de force. (7) Tremblante, la jeune fille demeure interdite, et, aux cris de sa nourrice qui invoque le secours des Romains, on se réunit en foule. Les noms si chers de Verginius, son père, et d'Icilius, son fiancé, sont dans toutes les bouches. Leurs amis, par l'intérêt qu'ils leur portent, la foule par l'horreur d'un pareil attentat. se rallient à elle. (8) Déjà Virginie est à l'abri de toute violence. Claudius alors s'écria qu'il est inutile d'ameuter la foule, qu'il veut recourir à la justice et non à la violence. Il cite devant le juge la jeune fille, que les défenseurs engagent à l'y suivre.

(9) On arrive devant le tribunal d'Appius, et le demandeur débite sa fable bien connue du juge, qui lui-même en était l'auteur : il raconte que "la jeune fille, née dans sa maison, puis introduite furtivement dans celle de Virginius, a été présentée à celui-ci comme son enfant. (10) Il produira des preuves à l'appui de ses assertions, et les soumettra à Verginius lui-même, plus lésé que nul autre par cette supercherie." (11) Les défenseurs de Virginie remontrèrent que Virginius était absent pour le service de la république; qu'il arriverait. dans deux jours, s'il était prévenu, et qu'en son absence il serait injuste de décider du sort de ses enfants. (12) Ils demandent au décemvir que l'affaire soit renvoyée dans son entier après l'arrivée du père; qu'au nom de la loi, son ouvrage, il accorde la liberté provisoire, et ne souffre pas qu'une jeune fille soit exposée à perdre son honneur avant sa liberté. 

(5) L'injustice ajournée, les défenseurs de Virginie se retirent et décident qu'avant tout le frère d'lcilius et le fils de Numitorius, jeunes gens pleins d'ardeur, gagneront de ce pas la porte, et courront en toute hâte chercher au camp Verginius. (6) De cette démarche dépend le salut de sa fille, si le lendemain il arrive à temps pour la préserver de l'injustice. Ils obéissent, se mettent en marche, et courent à bride abattue porter au père ce message. (7) Comme le demandeur insistait pour qu'on lui assurât par caution la comparution de la jeune fille, et qu'Icilius disait s'en occuper pour gagner du temps et donner de l'avance à ses courriers, la foule, de toutes parts, leva les mains, et chacun se montra prêt à répondre pour lui. (8) Ému jusqu'aux larmes, "Merci, s'écria-t-il, demain j'userai de vos secours, c'est assez de répondants pour aujourd'hui." Virginie est donc provisoirement remise en liberté, sous la caution de ses proches.

(9) Appius siège encore quelques instants, pour ne pas paraître occupé de cette seule affaire; mais comme l'intérêt de celle-là absorbait toutes les autres, personne ne se présentant, il se retira chez lui pour écrire au camp à ses collègues, "de n'accorder aucun congé à Verginius, et de s'assurer de sa personne." (10) Cet avis perfide arriva trop tard, ce qui devait être; et déjà, muni de son congé, Verginius était parti dès la première veille. Le lendemain, furent remises les lettres qui ordonnaient de le retenir; elles restèrent sans effet.(4) Alors Verginius, n'espérant plus de secours : "Appius, dit-il, je t'en supplie, pardonne avant tout à la douleur d'un père l'amertume de mes reproches; permets ensuite qu'ici, devant la jeune fille, je demande à sa nourrice toute la vérité." (5) Cette faveur obtenue, il tire à l'écart sa fille et la nourrice près du temple de Cloacine, vers l'endroit qu'on nomme    aujourd'hui les Boutiques Neuves, et là, saisissant le couteau d'un boucher : "Mon enfant, s'écrie-t-il, c'est le seul moyen qui me reste de te conserver libre." Et il lui perce le coeur. Levant ensuite les yeux vers le tribunal : "Appius, s'écrie-t-il, par ce sang, je dévoue ta tête aux dieux infernaux." (6) Au cri qui s'élève à la vue de cette action horrible, le décemvir ordonne qu'on se saisisse de Verginius; mais celui-ci, avec le fer, s'ouvre partout un passage, et, protégé par la multitude qui le suit, gagne enfin la porte de la ville.

Cicéron, le savant, l'ancien consul de -63 qui devait mourir en -43 sous les coups de Marc-Antoine assassainant ses opposants politiques, était admiré de Tite-Live qui s'est souvenu de ce passage de Cicéron, De la République II, 37. 

erat penes principes tota res publica, praepositis decemuiris nobilissimis, non oppositis tribunis plebis, nullis aliis adiunctis magistratibus, non prouocatione ad populum contra necem et uerbera relicta. (63) ergo horum ex iniustitia subito exorta est maxima perturbatio et totius commutatio rei publicae; qui duabus tabulis iniquarum legum additis, quibus etiam quae diiunctis populis tribui solent conubia, haec illi ut ne plebei cum patribus essent, inhumanissima lege sanxerunt, quae postea plebiscito Canuleio abrogata est, libidinose{que} omni imperio et acerbe et auare populo praefuerunt. nota scilicet illa res et celebrata monumentis plurimis litterarum, cum Decimus quidam Verginius uirginem filiam propter unius ex illis decemuiris intemperiem in foro sua manu interemisset, ac maerens ad exercitum qui tum erat in Algido confugisset, milites bellum illud quod erat in manibus reliquisse, et primum montem sacrum, sicut erat in simili causa antea factum, deinde Auentinum armatos insedisse .

 Mais la république se trouvait dans un de ces états qui ne peuvent durer, car il n'y avait point d'égalité entre les différents ordres de la nation ; tout le pouvoir était concentré dans la main des grands ; dix hommes, choisis parmi les premières familles, avaient l'autorité souveraine; point de tribuns du peuple pour les tenir en respect ; point d'autres magistrats admis à partager leur puissance; point d'appel au peuple contre des châtiments indignes; point de recours contre un arrêt de mort. Aussi leur tyranie amena-t-elle bientôt un grand désordre dans l'État et une révolution complète. Ils avaient ajouté deux tables de lois iniques : tandis que les alliances même entre deùx nations sont autorisées par tout le monde, ils avaient interdit de la façon la plus outrageante les mariages entre les deux ordres d'un même peuple; interdiction que leva plus tard le plébiscite de Canuléius ; enfin ils se montraient dans tout leur gouvernement exacteurs du peuple, cruels et débauchés. Vous savez tous, et nos monuments littéraires le célèbrent à l'envi, comment D. Virginius immola de sa main, en plein forum, sa fille vierge pour la soustraire à la passion infâme d'un de ces décemvirs, et se réfugia désespéré près de l'armée romaine, campée alors sur le mont Algide; comment les légions, renonçant à combattre l'ennemi, vinrent occuper d'àbord le mont Sacré, comme la multitude l'avait fait naguère dans une occasion semblable, ensuite le mont Aventin ...

Questions

1/ Quels points communs ce texte de Cicéron a-t-il avec celui de Tite-Live?

 

Texte 4 : l'invasion des Gaulois et la prise du Capitole, Tite-Live, V, 38

[5,38] Honteuse déroute de l'armée romaine.
(1) Là, les tribuns militaires, sans avoir d'avance choisi l'emplacement de leur camp, sans avoir élevé un retranchement qui pût leur offrir une retraite, et ne se souvenant pas plus des dieux que des hommes, rangent l'armée en bataille, sans prendre les auspices et sans immoler de victimes. Afin de ne pas être enveloppés par l'ennemi, ils étendent leurs ailes; (2) mais ils ne purent égaler le front des Gaulois, et leur centre affaibli ne forma plus qu'une ligne sans consistance. Sur leur droite était une éminence où ils jugèrent à propos de placer leur réserve, et si par ce point commença la terreur et la déroute, là aussi se trouva le salut des fuyards. (3) En effet, Brennus, qui commandait les Gaulois, craignant surtout un piège de la part d'un ennemi si inférieur en nombre, et persuadé que leur intention, en s'emparant de cette hauteur, était d'attendre que les Gaulois en fussent venus aux mains avec le front des légions pour lancer la réserve sur leur flanc et sur leur dos, marcha droit à ce poste; (4) il ne doutait pas que, s'il parvenait à s'en emparer, l'immense supériorité du nombre ne lui donnât une victoire facile; et ainsi la science militaire aussi bien que la fortune se trouva du côté des Barbares. (5) Dans l'armée opposée, il n'y avait rien de romain, ni chez les généraux ni chez les soldats; les esprits n'étaient préoccupés que de leur crainte et de la fuite; et, dans leur égarement, la plupart se sauvèrent à Véies, ville ennemie dont ils étaient séparés par le Tibre, au lieu de suivre la route qui les aurait menés droit à Rome vers leurs femmes et leurs enfants. (6) La réserve fut un moment défendue par l'avantage du poste; mais dans le reste de l'armée, à peine les plus rapprochés eurent-ils entendu sur leurs flancs, et les plus éloignés derrière eux, le cri de guerre des Gaulois, que, presque avant de voir cet ennemi qu'ils ne connaissaient pas encore, avant de tenter la moindre résistance, avant même d'avoir répondu au cri de guerre, intacts et sans blessures ils prirent la fuite. (7) On n'en vit point périr en combattant; l'arrière-garde éprouva quelque perte, empêchée qu'elle fut dans sa fuite par les autres corps qui se sauvaient sans ordre. (8) Sur la rive du Tibre, où l'aile gauche s'était enfuie tout entière après avoir jeté ses armes, il en fut fait un grand carnage; et une foule de soldats qui ne savaient pas nager, ou à qui le poids de leur cuirasse et de leurs vêtements en ôtait la force, furent engloutis dans le fleuve. (9) Le plus grand nombre cependant purent sains et saufs gagner Véies, d'où ils n'envoyèrent à Rome ni le moindre renfort pour la garder ni même un courrier pour annoncer leur défaite. (10) L'aile droite, placée loin du fleuve et presque au pied de la montagne, se retira vers Rome, et sans se donner le temps d'en fermer les portes se réfugia dans la citadelle.

[5,41] Entrée des Gaulois dans Rome.
(1) Cependant à Rome, toutes les précautions une fois prises, autant que possible, pour la défense de la citadelle, les vieillards, rentrés dans leurs maisons, attendaient, résignés à la mort, l'arrivée de l'ennemi; (2) et ceux qui avaient rempli des magistratures curules, voulant mourir dans les insignes de leur fortune passée, de leurs honneurs et de leur courage, revêtirent la robe solennelle que portaient les chefs des cérémonies religieuses ou les triomphateurs, et se placèrent au milieu de leurs maisons, sur leurs sièges d'ivoire. (3) Quelques-uns même rapportent que, par une formule que leur dicta le grand pontife Marcus Folius, ils se dévouèrent pour la patrie et pour les citoyens de Rome. (4) Pour les Gaulois, comme l'intervalle d'une nuit avait calmé chez eux l'irritation du combat, que nulle part on ne leur avait disputé la victoire, et qu'alors ils ne prenaient point Rome d'assaut et par force, ils y entrèrent le lendemain sans colère, sans emportement, par la porte Colline, laissée ouverte, et arrivèrent au forum, promenant leurs regards sur les temples des dieux et la citadelle qui, seule, présentait quelque appareil de guerre. (5) Puis, ayant laissé près de la forteresse un détachement peu nombreux pour veiller à ce qu'on ne fît point de sortie pendant leur dispersion, ils se répandent pour piller dans les rues où ils ne rencontrent personne : les uns se précipitent en foule dans les premières maisons, les autres courent vers les plus éloignées, les croyant encore intactes et remplies de butin. (6) Mais bientôt, effrayés de cette solitude, craignant que l'ennemi ne leur tendit quelque piège pendant qu'ils erraient çà et là, ils revenaient par troupes au forum et dans les lieux environnants. (7) Là, trouvant les maisons des plébéiens fermées avec soin, et les cours intérieures des maisons patriciennes tout ouvertes, ils hésitaient encore plus à mettre le pied dans celles-ci qu'à entrer de force dans les autres. (8) Ils éprouvaient une sorte de respect religieux à l'aspect de ces nobles vieillards qui, assis sous le vestibule de leur maison, semblaient à leur costume et à leur attitude, où il y avait je ne sais quoi d'auguste qu'on ne trouve point chez des hommes, ainsi que par la gravité empreinte sur leur front et dans tous leurs traits, représenter la majesté des dieux. (9) Les Barbares demeuraient debout à les contempler comme des statues; mais l'un d'eux s'étant, dit-on, avisé de passer doucement la main sur la barbe de Marcus Papirius, qui, suivant l'usage du temps, la portait fort longue, celui-ci frappa de son bâton d'ivoire la tête du Gaulois, dont il excita le courroux : ce fut par lui que commença le carnage, et presque aussitôt tous les autres furent égorgés sur leurs chaises curules. (10) Les sénateurs massacrés, on n'épargna plus rien de ce qui respirait; on pilla les maisons, et, après les avoir dévastées, on les incendia.

 

 

Texte 5 : Tite-Live, XXII, 51, Après la bataille de Cannes (-216) les Carthaginois réfléchissent et contemplent le désastre romain

[22,51] LI. - Alors que tous les chefs carthaginois, entourant Hannibal victorieux, le félicitaient, et lui conseillaient, après avoir terminé une guerre si importante, de prendre, pendant le reste du jour et la nuit suivante, du repos pour lui-même et d'en donner à ses soldats fatigués, Maharbal, commandant de la cavalerie, pensant qu'il ne fallait pas tarder un instant, lui dit : "Ah ! sache plutôt ce que te vaut cette bataille ! Dans quatre jours, vainqueur, tu dîneras au Capitole.

 

Sequere; cum equite, ut prius uenisse quam uenturum sciant, praecedam." Hannibali nimis laeta res est uisa maiorque quam ut eam statim capere animo posset. Itaque uoluntatem se laudare Maharbalis ait; ad consilium pensandum temporis opus esse. Tum Maharbal: "non omnia nimirum eidem di dedere. Vincere scis, Hannibal; uictoria uti nescis." mora eius diei satis creditur saluti fuisse urbi atque imperio. Postero die ubi primum inluxit, ad spolia legenda foedamque etiam hostibus spectandam stragem insistunt.

 

Suis-moi ; avec les cavaliers, de façon qu'on apprenne mon arrivée avant de la savoir prochaine, je te précéderai." Hannibal trouva ce dessein trop beau et trop grand pour pouvoir l'adopter aussitôt. Aussi dit-il à Maharbal qu'il louait son intention, mais qu'il fallait du temps pour peser son conseil. Alors Maharbal : "Les dieux - ce n'est pas étonnant --- n'ont pas tout donné au même homme ; tu sais vaincre, Hannibal ; tu ne sais pas profiter de la victoire." On croit bien que ce retard d'un jour sauva Rome et l'empire. Le lendemain, dès qu'il fait jour, les Carthaginois se mettent à ramasser les dépouilles, et à contempler le carnage, affreux même pour des ennemis.

 

 Là gisaient des milliers de Romains, fantassins et cavaliers, pêle-mêle, comme le hasard pendant le combat les avait réunis, ou pendant la fuite. Certains, se levant du milieu des cadavres, sanglants, réveillés par le froid du matin qui pinçait leurs plaies, furent tués par les ennemis ; certains, même parmi les gisants, furent trouvés vivants, les cuisses ou les jarrets coupés, et ils mettaient à nu leur cou et leur gorge, en demandant qu'on répandît ce qui leur restait de sang ; on en trouva certains la tête enfouie dans la terre creusée, et l'on voyait bien qu'ils s'étaient fait eux-mêmes ces trous, et qu'en se couvrant le visage de terre amoncelée, ils s'étaient étouffés. Ce qui attira le plus tous les regards, ce fut un Numide que, de dessous un Romain mort, on retira vivant, mais le nez et les oreilles déchirés, le Romain, dont les mains ne pouvaient plus tenir une arme, mais dont la colère tournait à la rage, ayant lacéré de ses dents son adversaire en expirant.



06/09/2008
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